Disons-le sans ambages, ne tournons pas autour des quatre chemins : Tarantino est un génie ! Et tant pis pour ses détracteurs, ils se fatigueront avant lui. Il est amusant d'ailleurs de constater que des détracteurs, il en a un peu partout. Aussi bien du côté des intellos à lunettes cerclées qui défendent avec un pincement de nez outré le cinéma d'art et essai (essayer quoi ? De ne pas s'endormir ???) que du côté des adeptes des multiplexes/usines à divertissement où ils vont voir le dernier blockbuster de la saison en se gavant de pop-corn, une casquette de baseball solidement vissée sur un crâne qui sonne creux (pour le coup, moi, j'espère m'endormir !...). Les premiers reprochent à Tarantino le mauvais goût et la prétendue violence gratuite, les seconds jugent ses films un peu ringards à l'ère du tout numérique. Mais ce n'est pas grave, ses films s'adressent aux amoureux d'un certain cinéma aujourd'hui disparu, dédaigneusement baptisé "cinéma bis" par les chantres du "vrai" cinéma, à ceux qui vibrent d'excitation lorsque Blondin, Tuco et Sentenza s'affrontent longuement du regard avant de faire aboyer leurs colts, à ceux qui blêmissent de rage lorsque l'astronaute Taylor stoppe son cheval devant une statue de la Liberté ensablée, à ceux qui frémissent de désir lorsque surgit la sauvage Loana, vêtue d'un bikini en fourrure (naaaan tas de moules, pas la blondasse décérébrée de M6...) . Et si tout ça ne vous dit rien, passez votre chemin, il y a de la place pour tout le monde, il y a sûrement un nouveau Michael Youn ou un Jean-Luc Godard à aller voir. Notez bien, on a le droit de ne pas aimer, on a le droit de critiquer, mais il faut le faire pour de bonnes raisons, avec des arguments qui, comme la Chevy Nova SS de Cascadeur Mike, tiennent la route...
"Deathproof", "Boulevard de la mort" en français (dire que quelqu'un a été payé pour trouver ce titre, ça me défrise... En même temps, sur une échelle de volume capillaire allant de 0/Telly Savalas à 10/Jim Kelly, j'obtiendrais glorieusement 1 ou 2, alors...), est un mix entre le slasher (film d'horreur dans lequel un tueur psychopathe massacre conscieusement une bande d'adolescents - lesquels sont tellement niais et horripilants qu'on a très rapidement envie de filer un coup de main au tueur) et le film de bagnoles. En gros, et sans dévoiler l'intrigue (de toute façon, d'intrigue il n'y a point), c'est l'histoire d'un tueur psychopathe qui tue avec sa voiture (c'est plus pratique qu'avec une tronçonneuse, surtout au moment de rentrer chez soi, avec la satisfaction du devoir accompli). Mais comment, que viens-je d'écrire, moi défenseur obsessionnel de Tarantino ? Il n'y a pas d'intrigue ? Ben non, pas vraiment... Disons que pendant le temps qu'il a dû falloir pour écrire le scénario, Stendhal aurait péniblement accouché de dix lignes de son roman "Le Rouge et le Noir" (bon, pour être honnête et en restant dans la même gamme chromatique, Jeanne Mas, elle, aurait pondu le texte de dix de ses chansons...). Le scénario est léger, certes, mais vraiment on se régale, les moteurs des "muscle cars" vrombissent, les répliques cinglantes fusent, les actrices portent shorts et tongs avec une certaine grâce (heu, ça veut dire qu'elles sont bandantes, OK ?), le bourbon et la tequila coulent à flots...
On l'a souvent dit : Tarantino est une éponge. Il absorbe tout ce qui lui plaît dans les films qu'il affectionne et il réutilise cette matière première dans ses propres films. Un exemple ici : sa façon de filmer Cascadeur Mike (Kurt Russel) en train d'engloutir sa pizza, avec gros plans sur ses dents qui mastiquent, le fromage fondu qui dégouline sur ses lèvres, ses doigts qu'il lèche consciencieusement, ça ne vous fait pas penser à du Sergio Leone dans la scène d'ouverture d'"Il était une fois la Révolution" ?
En conclusion, Tarantino, en cinéaste cinéphile qu'il est, s'éclate à reproduire les films qui ont bercé son adolescence, en les transcendant souvent ("Kill Bill", "Pulp Fiction"). Avec "Deathproof", il se contente d'égaler ses modèles, ce qui n'est déjà pas si mal...