Il y a quelques jours, j'ai eu une révélation, j'ai réalisé une chose à laquelle je n'avais jamais pensé et qui concerne la vie, la mort et la mécanique quantique. En bref, je me suis pris un bon coup de pied occulte...
Que je vous explique : il y a quelques jours, donc, je lisais une thèse dans l'introduction de laquelle l'auteur citait la célèbre phrase du chimiste français du 18ème siècle Lavoisier : rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme (apparemment, il était aussi économiste, ceci explique peut-être cela...).
Tout le monde connait la théorie de l'atome de Bohr : la matière est constituée de molécules, qui sont elles-mêmes un assemblage d'atomes, chaque atome pouvant être schématisé par un noyau entouré d'un certain nombre d'électrons qui tournent frénétiquement autour de lui (d'où l'expression "virer de Bohr" ?...). Le noyau lui-même est composé de deux types de particules élémentaires, mon cher Watson, les protons et les neutrons - regroupés sous le terme "nucléons". Bon, il existe toute une armada d'autres particules élémentaires, les bosons, les mésons (ceux à qui E.T. voulaient toujours téléphoner ?), les fermions, etc... Je simplifie, nous ne sommes pas en cours de mécanique quantique (allez, une private joke pour Wally Gator : si on considère certains enseignants de cette matière, il faudrait plutôt parler de mécanique cantique...). Au passage, si on veut essayer de se représenter un atome, il suffit d'imaginer un grain de riz placé au centre d'un terrain de foot. Le noyau, c'est le grain de riz. Un électron, lui, décrit en gros le périmètre du terrain. Tout ce qu'il y a entre, c'est du vide. Eh oui, tout ce qui nous entoure, c'est du vide. Nous-même, nous sommes du vide. Remarquez, pour s'en convaincre, il suffit de regarder n'importe quelle émission de TF1, le vide est palpable...
Lorsque nous trépassons, que devenons-nous ? Eh bien, d'après Lavoisier, les molécules qui s'empilent si joliment pour former nos corps gracieux et éphémères vont disparaître, donnant ainsi naissance à d'autres molécules (je ne vous apprends rien : dans la caisse en bois, ça pourrit, ça fermente, ça macère, quelqu'un reprendra des moules ?). Des réactions chimiques se produisent, une partie de nous s'échappe sous forme gazeuse, le reste sert de nourriture aux vers ou aux pissenlits... Mais les particules élémentaires, hein, qu'est-ce qu'elles deviennent ? Ben, vous êtes bouchés ou quoi ? Elles sont élémentaires, on vous dit ! Cela signifie qu'elles ne sont en rien altérées. Va-t-en tronçonner en deux un électron, tiens ! Toutes ces particules subsistent, mais elles vont s'agencer différemment pour former de nouveaux atomes.
Et c'est là que c'est génial : cela signifie tout simplement que les neutrons qui appartenaient à un homme préhistorique sont toujours là, quelque part. Cela signifie que dans le panino que vous avez dégusté ce midi, il y avait peut-être des protons issus d'Ivanhoé, de Beethoven ou de Sergio Leone (bon, dans ce dernier cas, ça me choquerait moins, c'était un Italien). N'allez cependant pas tirer de conclusions hâtives : si vous avez trouvé un cheveu dedans, ça signifie tout simplement que l'endroit où vous l'avez acheté avait une hygiène douteuse...
A partir de là, les hypothèses les plus farfelues sont permises : une particule élémentaire d'Adolph Hitler est peut-être dans la cuisse droite du chien de ma voisine (c'est fort probable : c'est un berger allemand) ; j'ai peut-être une infime partie de Marilyn Monroe dans le pot de mayonnaise oublié depuis des mois dans mon frigo... Rendez-vous compte : un neutron ou un proton, ça a une masse de l'ordre de 10-27 kg (l'électron,on n'en parle même pas). Un individu qui pèse 70 kg contient donc environ 4,2 . 1028 nucléons ou si vous préférez 4,2 milliards de milliards de milliards de nucléons. Les possibilités sont pour le moins nombreuses !... Je parlais plus haut d'un ver qui boulote un cadavre. Hop, une particule du cadavre passe dans le ver. Le ver se fait becqueter par une poule. La poule pond un oeuf. L'oeuf est gobé par une maman enceinte. Et voilà la particule du macchabée qui se retrouve dans un nouveau-né, beuark ! En même temps, cette même particule pourrait avoir un destin moins glorieux : elle passe dans la terre, puis dans la racine d'un arbre, l'arbre est débité en planches et voilà la particule piégée dans une étagère...
Pour quelqu'un qui, comme moi, redoute la mort (disons que, pour paraphraser ce génie de Woody Allen, le jour où ça arrivera, j'aimerais autant ne pas être là...), la perspective que mes composants les plus intimes et infimes me survivront est très rassurante. Et peut-être qu'un jour il sera possible de les rassembler à nouveau et de recréer l'entité de départ (OK, ça fera un sacré puzzle, je le concède...). Mais eh, avouez, vous ne vous sentez pas un peu immortels, là, tout d'un coup ?